Numéro 2 Villes et Violence
Le carrefour
Note de lecture
NÉ EN 1942 DANS le village de Tataran Tondano, à Minahasa (Sulawesi du Nord), Moes Loindong a suivi sa scolarité dans sa région d’origine et a fréquenté pendant deux ans l’Universitas Sam Ratulangi de Manado. Son père était instituteur. Déjà amateur de littérature, son goût pour l’écriture s’est manifesté dès le lycée. Il a à cette époque composé des poésies dont certaines ont été publiées dans le magazine culturel Indonesia. En 1963, il s’installe à Surabaya avec sa tante, mariée avec un Hollandais. Lorsque ceux-ci sont expulsés d’Indonésie en 1965, Moes Loindong choisit de rester à Surabaya. Il trouve du travail au port de Tanjung Perak dans le domaine de l’expédition de marchandises. Il a rencontré sa femme, aussi originaire de Minahasa, à Surabaya. Elle habitait là parce que son père faisait partie de la Marine et travaillait à la base navale de Surabaya. Ils sont rentrés à Manado en 1971 pour se marier mais sont retournés vivre à Surabaya. Tous deux sont de confession chrétienne. Ils ont eu deux fils.
Dans les années 1980, il commence à publier des nouvelles dans différents journaux et magazines dont le Surabaya Post, le Jawa Pos et Horison. Il s’inspire de son expérience personnelle pour composer des histoires dont le cadre est généralement soit Surabaya, soit Minahasa, à travers lesquelles il transmet ses interrogations sur la place des cultures régionales au sein de l’ensemble national ainsi que son refus du système de l’Ordre Nouveau. Il livre une intense réflexion sur la question de l’identité, individuelle, régionale et nationale, face à l’évolution rapide des mœurs et à la modernisation. Quelques-unes de ses nouvelles sont inspirées de son expérience de guérilla au sein de la Permesta, qui s’était rebellée contre le pouvoir central de l’Indonésie nouvellement indépendante. Il s’était engagé alors qu’il était encore lycéen et décrit avec une certaine amertume la façon dont les recruteurs séduisaient les jeunes en leur offrant de beaux uniformes et des armes rutilantes. Attrapé par l’armée indonésienne, il a été prié de retourner à l’école.
Son style se caractérise par son souci de creuser tous les aspects de la problématique centrale du sujet d’une nouvelle, en mettant en scène des personnages à la psychologie complexe et dont les désaccords alimentent de longs dialogues qui sont l’occasion pour l’auteur de mettre en lumière des points de vue différents, sans jamais tomber dans un manichéisme primaire. En conséquence, ses nouvelles sont assez longues, en moyenne quinze à vingt pages d’un livre de taille standard, tandis que les nouvelles d’autres auteurs excèdent rarement dix pages.
Deux recueils de nouvelles de Moes Loindong ont été publiés à Surabaya, Menanti Pengadilan Tuhan en 1992 et Perjalanan Sebuah Pasukan en 1994. Trois de ses nouvelles ont été choisies pour faire partie d’autant de recueils publiés à Surabaya : « Terminal » dans Cerita Pendek Dari Surabaya (1991), édité par Suripan Sadi Hutomo, Pada Suatu Siang dans Limau Walikota (1993) et « Bohong » dans Bermula Dari Tambi (1999). En 2001, une autre de ses nouvelles, « Diam », a été publiée dans l’ouvrage de M. Shoim Anwar inspiré de sa thèse sur l’image de Soeharto dans les nouvelles indonésiennes. Satyagraha Hoerip a également sélectionné ses nouvelles à deux reprises en composant deux anthologies de nouvelles indonésiennes traduites en anglais, Circumcision et Beyond the Horizon.
En dépit de son manque de productivité, dû à l’exercice de son activité professionnelle, le talent d’écrivain de Moes Loindong est reconnu par ses pairs et par les critiques littéraires de son entourage, tels Suripan Sadi Hutomo, Budi Darma, Satyagraha Hoerip et M. Shoim Anwar. Il aimait beaucoup fréquenter la communauté artistique de Surabaya et, s’il disait de l’écriture que ce n’était pour lui qu’un passe-temps, la profondeur de ses textes montre une réelle vocation qu’il n’a pu réaliser pleinement pour des raisons essentiellement économiques.
Moes Loindong est décédé en décembre 2001 des suites d’une attaque cardiaque. Sa famille vit toujours à Surabaya, ville à laquelle il était lui-même très attaché.
LAURA LAMPACH a traduit Le carrefour, une nouvelle de MOES LOINDONG à découvrir dans les pages du numéro 2 de Jentayu.
Illustration © Likhain.