Souffrances En ces temps incertains

Un cri

N° Covid-19

UN CRI RÉSONNE à l’autre bout de la nuit
Un cri qui vient du ciel de la gorge
Oh ces abîmes incertains où l’on tombe
Ces mains qui se tendent pour nous empêcher de tout à fait glisser
Un cri comme un habit de lumière
Que revêt la nudité de l’instant présent
Et puis ces rêves dressés comme des échafauds
Qui tutoient notre bonheur intérieur
Comme s’il n’y avait pas d’autre compagnie que soi-même
Un cri gercé sur l’hiver de nos lèvres
Un cri qui se gratte le long de la nuque de nos os
Un cri silencieux comme un voile de mariée
Un cri qui hésite titube tourbillonne à l’orée de nos dents
Un cri pressé comme en retard sur son rendez-vous
Un cri de bête qui agonise
Un cri qui réclame tout le passé aboli
Un cri qui est resté dans la boîte à gants
Comme une balle de revolver
Mais ce cri n’est pas le mien
Il est d’un autre qui me ressemble
Ce cri est celui d’une femme éperdue
Ce cri qui danse maintenant autour du tas de tes yeux
Il ne demande à personne sa réplique
Il est à lui-même souverain
Ce cri il n’est qu’un visiteur en moi
Il a mis son pardessus blanc pour marcher sous la pluie
Il traverse à présent le Danube dans ton sexe
Et lance des fusées d’artifice vers tes reins
Ce cri qui ne s’est pas fait prier
Il se contente à present de gueuler
Comme s’il allait passer à la télévision
Ce cri que ne retient pas une marée humaine
Il dresse des barricades autour du ministère pour les droits de l’homme
Et se rassemble à présent autour d’une flaque de sang
Ce cri qui n’est pas né
Il se rappelle à présent
La matrice originelle

Premier cri au premier matin du monde.

AMRINDO SISOWATH est l’auteur du poème Un cri. Première publication in Trait d’union (revue de l’hôpital Sainte-Anne, Paris).