Note de lecture L'Avenir
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve
Numéro 10
LE GANGE EST UN SITE sacré d’une grande importance rituelle en Inde. Il est aussi l’un des fleuves les plus pollués du monde : y sont déversés chaque jour quantité d’eaux usées non traitées, d’effluents industriels toxiques et de cadavres. Ces trois dernières décennies, d’ambitieuses initiatives prises pour nettoyer le fleuve ont non seulement échoué, mais l’ont même rendu encore plus insalubre.
À l’heure où les substances polluantes s’infiltrent dans nos paysages, mais aussi sous nos épidermes et dans nos organismes, la photographie peut-elle seulement rester à distance et n’agir qu’en simple témoin ? Cette interrogation m’a poussé à utiliser le procédé photographique du cyanotype, par lequel un contact entre des substances polluantes et la surface de la photographie est rendu possible.
Ma démarche consiste à réaliser des impressions de cyanotypes exposées à des matériaux trouvés dans les eaux du Gange ou dans leur proximité directe. Les photographies qui en résultent portent des plis, des brûlures, des larmes et deviennent alors plus que de simples images – elles sont une expression abstraite des sites contaminés eux-mêmes. Elles reflètent la relation de dépendance des hommes vis-à-vis de la nature et la façon dont toutes les destructions et éruptions qui affectent cette relation en viennent à marquer les corps et les lieux habités.
HARIKRISHNA KATRAGADDA est l’auteur de l’essai photographique On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, à découvrir en intégralité dans les pages du numéro 10 de Jentayu.
Photo © Harikrishna Katragadda.