Note de lecture L'Avenir
L’ascension de la tour de guet du continent U
Numéro 10
NÉ EN 1948 À QINGDAO, dans la province chinoise du Shandong, le peintre-poète taïwanais Lo Ch’ing (羅青) arrive avec ses parents à Taïwan en 1949 dans le sillage de l’armée nationaliste et grandit à Keelung, un port du nord de l’île, où son père fonde un commerce d’import-export. Il reçoit une solide éducation traditionnelle, loin des affres de la Révolution culturelle sur le continent, s’initiant à la littérature antique et à la poésie des Tang et des Song. À l’âge de 13 ans, il assiste aux cours du peintre Pu Hsin-yu, cousin du dernier empereur de Chine. Passionné de littérature, il se rend à Seattle pour étudier la littérature comparée à l’université de Washington, obtenant un MA en 1974, après la publication, très remarquée à Taïwan, de son premier recueil de poésie, intitulé Manières de manger de la pastèque (Chi xigua de fangfa, 吃西瓜的方法) (1972). L’un des pionniers de la poésie dite « post-moderne » à Taïwan, il participe à la fondation de la Société de poésie des racines d’herbe (Caogen shishe, 草根詩社) en 1970. À la fois peintre et poète, il crée une nouvelle peinture à l’encre fondée sur la poésie contemporaine. Tissant des liens entre paysages traditionnels et contemporains, poésie traditionnelle et vers libres écrits en langue moderne, il brosse le portrait du monde qui l’entoure, qu’il rêve meilleur, inquiet face à la modernisation trop rapide à ses yeux des sociétés « post-industrielles ».
Quelques idées de Lo Ch’ing sur la science-fiction
« J’ai commencé à incorporer l’idée de science-fiction et d’OVNI à ma poésie et à ma peinture de paysage en 1983 à l’occasion d’une exposition intitulée Les OVNI sont arrivés (不明飛行物來了), à la suite de laquelle j’ai publié un recueil de poèmes et de peintures en 1984 fondé sur l’idée que tous les talents et génies depuis l’ancien temps jusqu’à présent font figure, en quelque sorte, d’OVNI pour leur époque et leur société. Personne ne peut les identifier avec certitude ou être sûr d’avoir rencontré un réel OVNI. Cependant, l’OVNI nous attire toujours, où qu’il soit, à quelque moment que ce soit, nous invitant à l’affronter, à le reconnaître ouvertement ou à le réfuter secrètement. La pierre du mythe chinois de Nüwa réparant le ciel (女媧補天) est un symbole d’OVNI chinois. Une pierre ordinaire à laquelle on ne prête aucune attention, ou encore un fragment de jade peut servir à réparer le ciel.
Puis, en 2004, j’ai été invité au 5e festival d’art de Milan. J’ai réuni les pierres chinoises traditionnelles et les OVNI à l’occasion de mon exposition intitulée Pierre volante dans la sacristie de Santa Maria delle Grazie, faisant converser mes pierres flottantes et volantes et les anges peints sur le plafond et les quatre murs de la sacristie par Donato Bramante (1444-1514). Le jade précieux, avant d’être découvert, est souvent négligé comme un objet sans valeur laissé au bord de la route. Les anges occidentaux, lorsqu’ils apparaissent dans le monde ordinaire, se dissimulent souvent sous les traits de vieillards ou de mendiants en haillons. L’exposition a eu beaucoup de succès et a été considérée comme un échange culturel Orient-Occident important, qui a fait date en Europe. »
LO CH’ING est l’auteur des poèmes L’ascension de la tour de guet du continent U, Le navire déserté dérive à sa guise, Après l’arrivée des sociétés post-industrielles, Le monde de l’Internet et Un OVNI est arrivé, traduits du chinois (Taïwan) par MARIE LAUREILLARD et à découvrir en intégralité dans les pages du numéro 10 de Jentayu.
Illustration : 萬條軌道 (Dix-mille voies ferrées), © Lo Ch’ing, 1994.