Numéro 3 Dieux et Démons

Quatre générations de Chang’e

Entretien

ZEN CHO EST UNE ÉCRIVAINE de Malaisie aujourd’hui installée à Londres. Elle a fait ses débuts dans la communauté des auteurs fantasy avec plusieurs nouvelles, dont le conte steampunk « The Terracotta Bride », situé à Hong Kong, et le mythe spatial proposé en traduction dans ce numéro 3 de Jentayu, « Quatre Générations de Chang’e1 ». Elle est arrivée au Royaume-Uni à 17 ans pour y finir ses années de lycée, puis étudier le droit à Cambridge. Elle travaille aujourd’hui à temps partiel en tant qu’avocat d’affaires et consacre le reste de ses journées à l’écriture.

Zen Cho écrit des histoires depuis l’âge de six ans (du moins, selon sa mère !). Elle a publié Spirits Abroad (Fixi Novo, 2014), un recueil de nouvelles fantasy d’inspiration malaisienne dont est issue « Quatre Générations de Chang’e », et a édité une anthologie de nouvelles cyberpunk intitulée Cyberpunk: Malaysia (Fixi Novo, 2015). En 2015, son recueil Spirits Abroad s’est vu décerner le prestigieux Crawford Award de littérature fantasy, un prix partagé avec l’auteure américaine Stephanie Feldman.

À propos de sa nouvelle « Quatre Générations de Chang’e », elle écrit :

« En tant qu’immortelle vivant sur la lune, Chang’e fait figure de candidate idéale pour incarner l’héroïne d’une histoire de science-fiction. Elle est aussi, parmi les Chinois de l’outre-mer, la plus « outre-mer » d’entre tous, et elle apparaît donc comme un symbole naturel de la vaste diaspora chinoise.

Quand j’ai écrit cette nouvelle, j’avais bien sûr en tête le concept d’immigration, mais je ne voudrais pas qu’elle soit perçue comme le seul récit possible de la diaspora. Elle n’est d’ailleurs même pas représentative de ma propre expérience d’immigration. Il y a une certaine gradation dans la nouvelle, entre la première et la quatrième génération ; si cela s’avère pratique en termes de narration, je ne suis pas pour autant d’avis qu’il puisse y avoir une progression aussi linéaire dans un  processus aussi compliqué que la migration et son impact sur les cultures, les communautés et les identités.

En tant qu’individu en équilibre entre deux mondes, on est toujours éminemment conscient des diverses autres personnes que l’on aurait pu être, des autres vies que l’on aurait pu vivre. Ma nouvelle propose une série d’existences que Chang’e aurait pu avoir, mais il y en a tellement d’autres… »

Zen Cho a récemment publié son tout premier roman, Sorcerer To The Crown (Pan Macmillan, 2015), qui a reçu un excellent accueil critique et a propulsé son auteur comme l’une des nouvelles égéries du monde de la littérature fantasy anglophone. Situé au XIXe siècle dans la période de Régence anglaise, mais s’inspirant aussi d’histoires issues d’anciennes colonies britanniques (dont la Malaya d’alors), on y retrouve une Zen Cho maîtrisant pleinement et subvertissant même les codes de la fantasy historique. Elle apporte, à l’image de Xia Jia, elle aussi présentée dans ce numéro de Jentayu, un vent de fraîcheur et de diversité dans un univers littéraire qui commençait à en souffrir cruellement. Sorcerer to the Crown est le premier épisode d’une trilogie d’ores et déjà fort attendue.

JÉRÔME BOUCHAUD a traduit la nouvelle Quatre générations de Chang’e, de ZEN CHO, à découvrir dans les pages du numéro 3 de Jentayu.

1. Chang’e est un personnage de la mythologie chinoise, femme de l’ archer Houyi. Séparée de son mari et du reste des humains, elle réside éternellement sur la Lune, dans un palais de jade nommé Vaste froidure, avec pour seuls compagnons Wugang, un apprenti immortel exilé, occupé à abattre un cannelier qui repousse sans cesse, et un lièvre apothicaire dit « lièvre de jade », assisté selon certains d’un crapaud (NdT).

Illustration © Katie Ying.