Numéro 1 Jeunesse et Identité(s)

Le garçon en jaune safran

Note de lecture

NÉE EN 1943 dans la province de Phitsanulok, Sridaoruang est la troisième d’une fratrie de huit enfants ; son père est employé des chemins de fer, sa mère vendeuse. Tout comme ses frères et sœurs, Sridaoruang arrête ses études après quatre années d’école primaire car sa famille a peu de moyens. Elle se rend à Bangkok en 1955, à l’âge de 12 ans, et exerce différents métiers : elle garde des enfants, elle est employée de maison, ouvrière en usine (fabrique de verre, confection, etc.), serveuse… Enfant, elle aimait lire, à l’instar de ses parents, et commence à écrire à l’âge de 15 ans ; un an plus tard, elle envoie des nouvelles à des journaux locaux, dans l’espoir d’être publiée. Son élan est brisé car elle n’est pas sélectionnée ; elle ne souhaite alors plus continuer dans cette voie.

Au début des années soixante-dix, elle rencontre son futur mari, Suchat Sawatsi, écrivain et éditeur, qui la conseille et l’encourage ; dès 1975, elle se consacre à nouveau à l’écriture. La période est propice : la situation politique et sociale suscite de nombreuses vocations d’écrivain et Sridaoruang s’inscrit dans le courant de « la Littérature pour la Vie, la Littérature pour le Peuple », mouvement étudiant de contestation du régime militaire qui a conduit aux événements sanglants d’octobre 1973 et au renversement de la dictature par le peuple. Une période de trois ans s’en suit, empreinte d’espoirs et d’une volonté de changement pour le bien commun. Cet élan est brisé en octobre 1976, avec le retour brutal de la dictature et son cortège d’exactions.

Sridaoruang publie sa première œuvre en 1975 Rien qu’une goutte de verre, nouvelle autobiographique qui raconte la vie des ouvriers dans une fabrique de verre. Encouragée par cette reconnaissance, elle poursuit son travail d’écriture et ce jusqu’à nos jours : nouvelles, romans, poèmes, critiques littéraires. Ses ouvrages sont traduits dans de nombreuses langues : japonais, indonésien, anglais, français, allemand… Elle a régulièrement obtenu des prix littéraires depuis 1978, en particulier pour ses nouvelles et elle occupe une place particulièrement importante parmi les écrivains de Thaïlande, ceci depuis plus de 40 ans.

Son œuvre reflète la vie et la société de son pays sur lesquelles elle porte son regard de femme et aborde, en s’inspirant de ses expériences personnelle et professionnelle, différents aspects de la vie des ouvriers ou des employés. Elle dénonce surtout les conditions inacceptables de travail des ouvriers dans les années soixante-dix, les salaires bas, la tyrannie des patrons, ce qui mené ouvriers et ouvrières à la révolte et à l’engagement politique, parfois jusqu’à la lutte clandestine dans les maquis communistes. Son œuvre décrypte ainsi le cheminement d’une jeunesse, souvent sans réelle instruction, vers une prise de conscience sociale et politique.

La nouvelle que nous proposons dans ce premier numéro de Jentayu, bien qu’elle date des années 1970, demeure étrangement d’actualité. Dans une société qui est désormais totalement acquise au matérialisme et à la consommation, la communauté des moines est elle-même largement affectée par l’appât du gain : on voit des sectes, puissantes par ailleurs, qui ont infiltré les milieux gouvernementaux, les cercles d’affaires et même les intellectuels, promettre paradis et nirvana contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Le moine décrit dans ce texte se retrouve aujourd’hui dans une multitude de monastères thaïlandais.

GILLES DELOUCHE a traduit du thaï Le garçon en jaune safran, une nouvelle de SRIDAORUANG à découvrir dans les pages du numéro 1 de Jentayu.

Illustration © Munkao